Suicide d’un enseignant : l’état reconnait sa responsabilité !

Communiqué de la Fédération SUD éducation du 20 juin 2014

Le jour de la rentrée scolaire 2012, un professeur des écoles en reconversion dans le second degré, nouvellement affecté dans un lycée (14), mettait fin à ses jours chez lui.

Pour SUD éducation Calvados et SOLIDAIRES, cet événement tragique rappelle de façon dramatique la situation de souffrance des personnels de l’Education Nationale qui n’a fait qu’empirer ces dernières années. Les causes ne sont pas à chercher dans la vie personnelle de cet enseignant mais dans l’organisation pathogène du travail :
– Augmentation du nombre d’élèves par classe, notamment en mixant des groupes de formation différente (élèves de L, ES et S ensemble),
– Élèves “difficiles”,
– Affectations correspondant à des postes non demandés,
– Formation et confrontation d’expériences en collectif trop insuffisantes (ESPE),
– Reconversions sans mise en place de formation continue,
– Contre-réformes qui se sont succédées à un rythme accéléré, au gré du libéralisme, sans prendre en compte les effets sur les salarié-e-s.
Pour beaucoup de ses collègues, le manque d’accompagnement et de formation à un métier d’enseignant très différent, conjugué à une haute conscience professionnelle ont généré une souffrance insupportable. Ce, d’autant qu’il venait d’assumer une année avec une classe très difficile qui l’avait épuisé.

A l’époque, SUD éducation Calvados demandait déjà au rectorat et au ministère de cesser la mise en place d’organisations du travail reconnues comme pathogènes. Malgré de nombreux suicides dans l’Education Nationale, le ministère n’a pris aucune décision pour mettre fin à ces situations. Comme après chaque suicide, le rectorat niait la relation avec le travail et dans ce dernier cas utilisait une cellule dite psychologique pour demander au personnel de rester silencieux sur l’évènement et pouvoir d’autant mieux renvoyer à la sphère privée. Déjà, nous dénoncions cette attitude irresponsable qui refusait de remonter aux causes de l’événement.

C’est pourquoi nous avions demandé la tenue d’un Comité Hygiène Sécurité et Conditions de Travail extraordinaire dans lequel nous exigions une enquête pour :
– recueillir les premiers témoignages qui risquaient de changer après réflexions … et/ou pressions…,
– permettre de prendre les mesures adaptées pour que ça ne se renouvelle pas,
– mettre en cause l’employeur puisqu’il est responsable de la sauvegarde de la santé physique et mentale du salarié, contrepartie du lien de subordination,
– constituer le dossier accident du travail devant la sécurité sociale.

Le CHSCT s’était alors tenu mais la demande d’enquête n’avait pas abouti car les débats nécessaires à la prise en compte de la souffrance au travail n’avaient pas suffisamment été menés dans l’ensemble des organisations. Nous ne pouvions à l’époque que le déplorer. Depuis le Recteur se retranche toujours derrière cette décision.

Nous n’avons eu cesse de revendiquer l’amélioration de nos conditions de travail dans toutes les instances et mobilisations et avons également accompagné la veuve dans ses démarches pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur. Nous, militants syndicaux étions fondés et légitimes à émettre l’hypothèse dans le cas d’un suicide, que les conditions de travail de la victime pouvaient avoir un lien avec son geste. Force est de constater que nous avions raison : le recteur vient d’envoyer la reconnaissance de l’imputabilité au service de ce drame

C’est dans ce cadre que lors du dernier CHSCT de juin 2014, nous avons obtenu de notre employeur l’ouverture d’une enquête, qui était maintenant de droit. C’est aussi collectivement et par nos luttes que nous obtiendrons que cessent enfin ces conditions de travail pathogènes qui parfois aboutissent à un tel drame.
Juin 2014