Déclaration préalable de SUD Éducation 56 au Conseil Social d’Administration Spécial Départemental du 2 février 2024

Monsieur le Directeur Académique, Mesdames et Messieurs, Camarades,

Comme on parle beaucoup de théâtre en ce moment, je vais profiter de cette déclaration pour vous parler d’une pièce qui se joue actuellement à travers toute la France.

Cette pièce s’intitule Choc des savoirs, et c’est une tragédie en cinq actes.

L’Acte I commence par l’exposition, qui révèle que l’Ecole est bien mal en point, malgré les efforts et l’engagement de ses personnels. Classes surchargées, équipes précarisées, les maux frappent l’école durement.

Et l’oracle de PISA est implacable : les inégalités se creusent et les élèves en souffrent. Le déterminisme social y joue un rôle majeur.

L’Acte II voit surgir Gabriel Attal, et sa première fourberie : il a organisé un simulacre de consultation des personnels au travers d’un questionnaire orienté pour légitimer les orientations réactionnaires déjà dans les tuyaux, et tonitrue début décembre sur son Choc des savoirs, et on va voir ce qu’on va voir, car il s’agit de remettre de l’exigence à tous les étages, école, collège, lycée ! Et une belle gifle pour celles et ceux qui œuvrent chaque jour à la qualité du service public d’éducation et à la réussite de tous les élèves…

Le Chœur pourtant s’alarme : l’État ne finance pas l’école comme il le devrait, des milliers de postes d’enseignant.e.s ont été supprimés depuis 2017, les salaires sont insuffisants et les conditions de travail se dégradent à tel point que le ministère peine à recruter des personnels. Et les réformes imposées ont désorganisé la vie des établissements et accentué le tri social.

L’encore ministre de l’Education, et son monarque dans la foulée, balaient cela et enfoncent le clou : si l’école française est mauvaise, c’est la faute aux méthodes, au laxisme, à l’oisiveté, aux sauvageons même. Alors que la solution est facile, une fois qu’on a la science et le bon sens comme boussole. Et une deuxième gifle à tous les professionnels de l’éducation.

S’ensuit toute une série de fourberies, des mesures qui vont pour beaucoup à l’encontre des études scientifiques et de l’expertise de terrain. Pour n’en citer que quelques-unes : des manuels labellisés pour contrôler les méthodes de celles et ceux à qui on garantit la liberté pédagogique, le dévoiement du brevet des collèges en un examen de passage et de tri, des promesses de revalorisation qui n’engagent que ceux qui les écoutent, l’intelligence artificielle en lieu et place de moyens humains… Pourtant, personne n’est dupe.

Le Chœur crie sa colère, les portes du Palais restent closes.

L’Acte III se décline dans les académies, dans les départements. Ainsi, sur celle de Rennes, 135 postes disparaissent dans cette quête d’exigence des savoirs…

Le comble de la duperie est peut-être le sort qui est réservé au collège. Au prétexte d’élever le niveau, l’injonction ministérielle est claire : il faut trier dès la 6e les élèves en groupes de niveau, en fonction des difficultés qu’ils rencontrent, en mathématiques et en français… Pourtant cet ordre est manifestement illégal : le Code de l’éducation et son article R. 421-2 précise toujours que « l’organisation en classes et en groupes d’élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves » relèvent de la compétence de l’établissement scolaire. Qu’importe ! L’école de la ségrégation, du tri social, du renforcement du déterminisme a le vent en poupe, et les réactionnaires en coulisses se frottent les mains. Les équipes sur le terrain, elles, sont-elles condamnées à participer à cette mise à mort du service public d’éducation ? Sans moyen supplémentaire, comme c’est le cas dans notre département, la casse va être sérieuse.

Bien des scènes de cet acte III se déroulent dans les collèges : les personnels réalisent les conséquences désastreuses pour les élèves comme pour eux-mêmes.

La pièce pourrait s’intituler sobrement : Le Mépris. Elle est déjà écrite, mais sa représentation s’arrête aujourd’hui à cet acte III.

La suite est annoncée par la feuille de route ministérielle, aux horizons des années scolaires prochaines. La nouvelle ministre a l’avantage de la clarté : la défense du service public d’éducation, de ses personnels, de ses élèves, de ses valeurs et missions n’est pas sa priorité. Sa première déclaration n’a été qu’un crachat au visage de l’Ecole publique. Le ministère fait le choix de financer des mesures qui sélectionnent et qui trient les élèves, en rendant responsables les élèves de leurs difficultés. La politique éducative du ministère répond aux pressions de la droite libérale et réactionnaire et de l’extrême droite en reprenant leurs propositions.


On sait comment finit une tragédie. Chacun y contribue par son rôle, à son niveau. Nous n’attendrons pourtant pas l’Acte V… Nous pouvons agir, et cela nécessite du courage. Celui de se dresser contre les ordres ministériels, qui ne respectent pas la loi, qui ignorent les valeurs qui fondent le service public d’éducation.

C’est le sens de notre engagement syndical, le sens de notre engagement professionnel.

Cette pièce, mise en scène par Emmanuel Macron, ce grand amateur de théâtre depuis ses années de lycée, ne mérite que des fruits pourris et notre colère légitime.